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de se contraindre. Plus l’homme se montrait insensible et sordide, plus madame Shelby craignait qu’il ne réussit à s’emparer d’Éliza et de Henri, et plus elle redoublait d’efforts et d’artifices féminins pour le retenir. Elle lui souriait gracieusement, causait avec aisance et familiarité, et mettait tout en œuvre pour faire couler le temps d’une façon imperceptible.

À deux heures Sam et Andy amenèrent les chevaux rafraîchis, et tout gaillards de leur escapade du matin.

Sam se tenait là, huilé à neuf par le dîner, officieux, et tout débordant de zèle. Il était en train de se vanter, en style fleuri, de la façon dont il ménagerait les affaires, maintenant qu’il s’y mettait tout de bon, lorsque Haley s’approcha.

« Votre maître n’a pas de chiens, je le parierais ! dit Haley d’un air réfléchi, comme il se préparait à monter en selle.

— Lui ! eh, en avoir des tas ! répliqua Sam d’un air superbe. V’la Bruno d’abord, un fameux braillard ! et puis, chacun de nous autres nèg’s a-t-il pas son roquet ?

— Pouah ! dit Haley ; — et il ajouta quelques mots qui chatouillèrent la susceptibilité de Sam, lequel murmura.

— Pas comprend’, moi, pourquoi jurer après pauv’ bêtes !

— Voyons, reprit Haley, ton maître a-t-il des chiens (je suis assez sûr d’avance que non) dressés à dépister les nègres ? »

Sam savait à merveille ce que le marchand voulait dire ; mais il conserva l’air de la plus candide, de la plus désespérante simplicité.

« Nos chiens avoir un flair qui compte. Eux être de la bonne race ! pas dressés, vrai ; mais fameux une fois lancés. Ici, Bruno ! » Et il siffla le grand terre-neuve, qui, la queue en l’air, accourut à lui en folâtrant.

« Allez vous faire pendre ! s’écria Haley s’élançant sur son cheval. Enfourchez-moi vos bêtes, et en avant !