Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
CHAPITRE V.

profond somme ; mais après quelques efforts, elle l’assit sur son séant, et tandis que la mère mettait un chapeau et un châle, l’enfant joua avec son oiseau.

« Où donc va maman ? » demanda-t-il lorsqu’elle s’approcha du lit, tenant la jaquette et le petit manteau.

Sa mère le regarda de si près, entre les yeux, et avec une expression telle, qu’il devina que quelque chose d’étrange se passait.

« Chut ! Henri, dit-elle ; faut pas parler haut, faut pas qu’ils entendent. Un vilain homme est venu pour prendre le petit Henri à sa maman, et l’emporter loin, bien loin. Mais maman ne veut pas ; elle mettra au petit garçon sa jaquette et son manteau, et elle se sauvera avec lui, et le méchant homme ne l’attrapera pas. »

En parlant, elle avait passé à l’enfant et agrafé sur lui son simple attirail ; le prenant entre ses bras, elle lui murmura à l’oreille l’injonction d’être « bien sage ; » et ouvrant la porte qui, de sa chambre, conduisait sous la véranda, elle se glissa dehors.

C’était par une nuit étoilée, froide et étincelante ; la mère serra son châle autour de l’enfant qui, muet de terreur, se collait à son cou.

Le vieux Bruno, grand terre-neuve qui couchait sous le porche, se leva avec un sourd grognement à son approche. Elle murmura doucement le nom de l’animal, et ce favori, ancien camarade de ses jeux, remua aussitôt la queue et se disposa à la suivre, non sans avoir l’air de s’étonner, en son simple cerveau de chien, de la nocturne promenade. Quelques obscurs soupçons d’imprudence, de manque de décorum, traversèrent même son honnête pensée, et tandis qu’Éliza allongeait des pas furtifs, il s’arrêtait, regardait d’un air soucieux, tantôt la fugitive, tantôt le logis ; puis, comme rassuré par ses réflexions, il trottait de nouveau après elle. En quelques minutes ils arrivèrent à la fenêtre de la case de l’oncle Tom, et Éliza frappa légèrement à la vitre.