Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/595

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je me sens fort combattu quant à mes plans d’avenir. Il est vrai que je puis, comme vous m’y engagez, faire partie de la société des blancs de ce pays. Le mélange de couleur, chez moi à peine perceptible, disparaît tout à fait pour ma femme et mes enfants. Il ne tient donc qu’à moi de me faire passer pour un blanc ; mais, à vous parler vrai, je ne le souhaite point.

« Mes sympathies ne sont pas pour la race de mon père. Qu’étais-je pour lui ? Ce qu’est un beau chien, un beau cheval, peut-être. Pour ma pauvre chère mère, j’étais un fils, et sa race est la mienne. Jamais je ne l’ai revue depuis la cruelle vente qui nous sépara : elle est morte sans m’embrasser ; mais je sais, je le sais par mon propre cœur, jusqu’au bout elle m’a chèrement aimé. Quand je songe à ce qu’elle a souffert, aux angoisses de mon enfance et de ma première jeunesse, au désespoir, aux luttes de mon héroïque femme, de ma sœur vendue dans un marché d’esclaves à la Nouvelle-Orléans, — sans manquer de charité chrétienne, je l’espère, je puis dire que je ne souhaite nullement passer pour être Américain, et que je n’adopte point l’Amérique pour patrie.

« C’est à la race opprimée, réduite en esclavage, c’est à la race africaine que je me rallie de toute l’énergie de mes affections. Loin de désirer m’en éloigner en perdant toute trace de couleur, je me souhaiterais d’une teinte plus sombre, afin de me rapprocher d’elle.

« Toutes mes sympathies, toutes les ardeurs de mon âme sont pour une nationalité africaine. Je veux rentrer dans un peuple ostensiblement séparé des autres peuples. Où le chercher ? Pas dans Haïti. Partis de bas, ces hommes ne sauraient s’élever. Le fleuve ne remonte pas au-dessus du niveau de sa source. La race qui forma le peuple haïtien était molle, efféminée, et pour que ceux qu’elle tenait assujettis se régénèrent, il faudra des siècles.

« Où regarder alors ? Sur les rives de l’Afrique, je vois