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variaient beaucoup, grâce à une coutume fort répandue parmi les noirs — et aussi parmi les blancs — de fermer les yeux en pareille occasion, et de se cacher la tête sous des couvertures, des jupons, ou tout autre voile à proximité de la main. Or, qui ne sait que quand les yeux du corps donnent leur démission, les yeux de l’esprit n’en sont que plus éveillés et plus perçants. Il y avait donc bon nombre de portraits en pied du fantôme, tous attestés et garantis ressemblants, bien que, comme il arrive souvent des portraits, il n’y eut entre eux d’autre analogie que le costume classique des revenants, le grand drap blanc. Les pauvres esclaves, peu versés dans l’histoire ancienne, ne savaient pas que Shakespeare eût consacré ce détail pittoresque, en disant :

« Les morts enveloppés de draps parcouraient les rues de Rome, poussant des gémissements et des cris inarticulés[1]. »

Cette rencontre est un fait curieux de pneumalogie, que nous signalons à l’étude des spiritualistes.

Quoi qu’il en soit, nous savons, à n’en pas douter, qu’une grande figure, couverte d’un drap blanc, se promenait à des heures indues par toute la maison de Legris, franchissait les portes, glissait comme une ombre dans les pièces désertes, disparaissait par intervalles, et se montrait en haut du mystérieux escalier qui conduisait au fatal grenier ; et cependant le lendemain tout était clos et aussi solidement verrouillé que la veille.

Legris ne pouvait fermer tout à fait l’oreille à ces bruits, d’autant plus fatigants qu’on s’efforçait de les lui cacher. Il but encore plus que de coutume, leva la tête plus haut, et jura plus que jamais le jour ; mais la nuit il faisait de mauvais rêves, et les visions qui hantaient son chevet n’étaient rien moins que riantes. Le soir du lendemain de l’enterrement de Tom, il se rendit à cheval

  1. Jules César, de Shakespeare.