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d’abominables meurtres, de visions surnaturelles, qui, grossièrement imprimés et enluminés, exercent sur le lecteur une sorte de fascination dès que l’on commence à les lire.

Legris fit la moue, haussa les épaules, mais continua la lecture page après page, jusqu’à ce qu’il finit par rejeter le livre avec un juron.

« Tu ne crois pas aux revenants, toi, Cassy ? dit-il en prenant les pincettes et tisonnant le feu. Je te croyais assez de bon sens pour ne pas te laisser effrayer par des bruits.

— Peu importe ce que je crois, répliqua-t-elle d’un ton âpre.

— En mer, ils ont plus d’une fois essayé de me faire peur, reprit Legris, avec leurs damnés contes qui n’en finissaient pas ; mais ils n’ont jamais pu y réussir. Je suis un peu trop coriace pour de pareilles fariboles, je t’en avertis. »

Du fond de son coin sombre, Cassy le regardait avec fixité. Elle avait dans les yeux cette lueur étrange qui impressionnait péniblement Legris.

« Qu’est-ce, après tout, que ces bruits ? Rien, que les rats et le vent, poursuivit-il. Des rats, à eux seuls, font un vacarme du diable : je les entendais souvent à fond de cale, dans le vaisseau. Quant au vent — Seigneur ! il n’y a pas de son qu’on n’en puisse tirer. »

Cassy savait que Legris était mal à l’aise sous le feu de ses yeux ; elle ne répondit pas, mais continua d’attacher sur lui son regard fixe et morne.

« Allons, femme, parleras-tu ? — Ne penses-tu pas comme moi ?

— Des rats peuvent-ils monter l’escalier, traverser le corridor, ouvrir une porte fermée en dedans, et contre laquelle on a mis une chaise ? Peuvent-ils marcher, marcher pas à pas, droit à votre lit, et poser la main sur vous… ainsi ? »