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L’élément moral, si profondément engourdi chez Legris, s’était réveillé au contact de Tom — réveillé, pour être vaincu par la force enracinée du mal ; mais une prière, une parole, un hymne, comme autant de chocs électriques, faisaient commotion au dedans, et y produisaient un effroi superstitieux.

L’empire de Cassy sur cet homme était d’une nature étrange. À la fois son possesseur, son tyran, son persécuteur, il la savait complètement en son pouvoir, dans l’impossibilité d’être aidée ou secourue, et cependant elle le dominait ; car l’homme le plus brutal ne saurait vivre en rapports constants avec une femme énergique sans subir son influence. Lorsqu’il l’acheta, elle était encore délicate et distinguée ; il ne se fit aucun scrupule de la fouler aux pieds ; mais à mesure que le temps, l’avilissement, le désespoir eurent endurci le cœur de Cassy et allumé ses mauvaises passions, elle le maîtrisa à son tour, et il la redoutait, tout en la tyrannisant.

Cette influence était devenue plus fatigante et plus décisive depuis qu’une demi-folie prêtait à ses actes, à ses paroles, un caractère bizarre et surnaturel.

Un ou deux soirs après le déménagement, Legris était assis dans la vieille salle, devant un feu de bois qui jetait çà et là de douteuses clartés. C’était par une nuit d’ouragan ; — une de ces nuits qui font courir à travers les vieilles maisons désertes des escadrons de bruits étranges et fantastiques. Les fenêtres s’ébranlaient, les persiennes battaient les murs, et le vent, prenant ses ébats, mugissait, grondait, s’engouffrait dans la cheminée, et en chassait la fumée et les cendres, comme les avant-coureurs d’une légion d’esprits. Legris réglait des comptes et lisait les journaux, tandis que Cassy, établie dans un coin, regardait le feu d’un œil morne. Il posa son journal sur la table, et voyant à côté un vieux livre ouvert que Cassy avait lu pendant la soirée, il le prit et le feuilleta. C’était un de ces recueils d’histoires de revenants,