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avec malaise, mais grimaçant un rire forcé : les corps de quelles gens, Cassy ? »

Cassy leva ses grands yeux noirs et acérés ; elle le regarda en face avec une expression qui le fit frémir jusque dans la moelle des os.

«  De quelles gens, Simon ! répéta-l-elle ; c’est à vous de me le dire ; vous ne le savez pas, peut-être ! »

Legris jura et leva sa cravache pour la frapper, mais elle s’esquiva, franchit la porte, et lui dit, en se retournant :

« Si vous voulez coucher dans cette chambre, vous en saurez plus long ! Essayez-en ! » Et elle rentra et s’enferma à la clef. Legris rugit, tempêta, menaça d’enfoncer la porte ; mais, sur plus mûre réflexion, il se dirigea vers le salon d’un air troublé. Cassy vit que le trait avait porté, et s’appliqua, dès lors, avec une rare adresse, à poursuivre l’œuvre commencée.

Elle avait enfoncé dans un trou de la toiture le goulot d’une vieille bouteille ; le plus léger vent, rencontrant cet étroit passage, s’y engouffrait avec un sifflement lugubre et lamentable, qui, dans les bourrasques, devenait aigu, perçant, et résonnait aux oreilles effrayées comme des cris d’épouvante et de désespoir.

Ces sons, entendus de temps à autre par les domestiques, ravivèrent l’ancienne histoire de revenants. Une terreur panique s’empara de toute la maison ; et, quoique personne n’osât en souffler mot à Legris, il se trouva plongé dans une atmosphère de terreur.

Il n’est pas d’homme plus superstitieux que l’athée. Le chrétien s’assure en sa croyance au Père céleste, sage, tout-puissant, dont la présence remplit le vide, d’ordre et de lumière ; mais, pour celui qui a détrôné Dieu, le monde des esprits n’est réellement, selon les paroles du poète hébreu, que « une région ténébreuse à l’ombre de la mort, » où règne le désordre, et où la lumière n’est qu’obscurité. Pour lui, la mort et la vie sont hantées de fantômes, vagues objets d’horreur et d’effroi.