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CHAPITRE XL.

Le stratagème.


La voie des méchants est comme l’obscurité, ils ne savent où ils tomberont. PROVERBES, ch IV, verset 19.


Le grenier de la maison qu’occupait Legris était, comme la plupart des greniers, un vaste espace, désert, poudreux, tapissé de toiles d’araignée, sorte de capharnaüm encombré de rebuts et de meubles jadis splendides, aujourd’hui vermoulus, importés par l’opulente famille qui avait autrefois habité la plantation, puis oubliés par elle dans les chambres désertes, ou relégués dans les combles. Une ou deux immenses caisses, qui avaient servi au transport du mobilier, se dressaient, vides, contre les murailles. Une étroite lucarne laissait tomber, à travers des vitres sales et enfumées, une lueur avare et douteuse sur les chaises à haut dossier, sur les tables couvertes de poussière, qui avaient connu de meilleurs jours. L’aspect de ce lieu était repoussant et sépulcral ; mais tout lugubre qu’il était, les légendes qui circulaient parmi les nègres superstitieux en centuplaient les terreurs. Peu d’années auparavant, une négresse, qui avait encouru le déplaisir de Legris, y avait été enfermée pendant plusieurs semaines. Que s’y passa-t-il alors ? Nous ne le dirons point. Les esclaves n’en parlaient qu’en murmures ténébreux. Tout ce que l’on savait, c’est que le cadavre de la malheureuse avait été descendu de là-haut et enterré. Depuis lors, des blasphèmes, des imprécations, le bruit de coups violents mêlés à des cris lamentables, à des gémissements désespérés, se faisaient entendre, assurait-on, dans ce lieu redoutable. La première fois qu’il en parvint quelque