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J’ai souhaité que les toits m’écrasassent, que la terre s’entr’ouvrit sous mes pieds. Oui, et à l’heure du jugement, je me tiendrai debout devant Dieu, et témoignerai contre ceux qui m’ont ruinée, moi et mes enfants, corps et âme !

« Quand j’étais jeune fille, je me croyais pieuse, et j’aimais à prier Dieu. Maintenant, je suis une âme perdue, vouée aux démons qui me tourmentent sans relâche ; ils me poussent en avant ! — et je sens que je le ferai un de ces jours ! dit-elle, la main crispée et menaçante, tandis qu’une flamme rouge étincelait dans ses sombres prunelles. — Je l’enverrai où il mérite d’aller, — et par le chemin le plus court, — une de ces nuits, — dût-on après me brûler vive ! » Un rire sauvage et saccadé résonna à travers la grange déserte, et finit en un sanglot convulsif. Elle se jeta par terre, criant et se débattant.

Au bout de quelques secondes, cette frénésie s’apaisa ; elle se leva lentement, et parut reprendre empire sur elle-même.

« Que puis-je faire encore pour vous, mon pauvre compagnon ? dit-elle en s’approchant de Tom ; vous donnerai-je un peu d’eau ? »

Il y avait dans sa voix et son geste, quand elle prononça ce peu de mots, une douceur gracieuse et compatissante qui contrastait étrangement avec sa première amertume.

Tom but l’eau, et la regarda en face, ému et fervent.

« Ô maîtresse, que je voudrais que vous alliez à CELUI qui peut vous donner les eaux vives !

— Aller à lui ? où est-il ? qui est-il ?

— Celui dont vous lisiez tout à l’heure la mort : — le Seigneur.

— J’ai vu sa croix sur l’autel, quand j’étais jeune fille, dit Cassy, ses yeux noirs perdus dans une triste et profonde rêverie ; mais Il n’est pas ici ! — Il n’y a rien