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enfants étaient vendus, que lui seul pouvait me les faire revoir, et que si je n’étais calme, il leur en cuirait. On peut tout obtenir d’une femme en la menaçant dans ses enfants. Il me soumit encore et m’apaisa : il me flatta de l’espoir qu’il les rachèterait peut-être, et ainsi se passèrent, tant bien que mal, une semaine ou deux.

« Un jour je me promenais, et je passai devant la calabousse : je vis de la foule amassée devant la porte ; j’entendis une voix d’enfant : — soudain mon Henri s’échappa, en se débattant, des mains de deux ou trois hommes qui le tenaient ; il s’élança en criant de mon côté : il se suspendit à moi. Les hommes lui coururent sus, avec d’effroyables jurons : l’un d’eux, dont je n’oublierai jamais la face, lui dit qu’il n’en serait pas quitte ainsi, qu’il allait le ramener dans la calabousse, et lui infliger là une leçon qu’il n’oublierait de sa vie. Je priai, je suppliai : — ils se rirent de moi ! Le pauvre enfant gémissait et ne détachait pas ses yeux de mon visage ; il se cramponna à moi, jusqu’à ce qu’on me l’arrachât avec un lambeau de ma robe, et ils l’emportèrent… l’enfant criant toujours : Mère, mère, mère ! — Un homme, un curieux, debout près de la porte, sembla me prendre en pitié. — Je lui offris tout l’argent que je possédais pour qu’il intervint. Il secoua la tête. « Le maître de l’enfant assure, dit-il, qu’il a toujours été insolent et indocile : il veut le rompre une fois pour toutes. » Je m’enfuis en courant : à chaque pas il me semblait entendre les cris de mon fils. J’entrai au salon, hors d’haleine ; j’y trouvai Butler. Je lui contai tout ; je le suppliai d’aller, d’intervenir. Il rit, et me répondit que l’enfant n’avait que ce qu’il méritait ; qu’il avait bon besoin d’être rompu, et — que le plus tôt serait le mieux. Qu’attendez-vous encore, demanda-t-il.

« Il me sembla en ce moment sentir quelque chose se briser dans ma tête. Je devins folle, je devins furieuse. J’ai un confus souvenir d’avoir vu un couteau sur la table, de