La femme se releva ; son visage reprit son expression habituelle, amère et triste.
« S’il vous plaît, maîtresse, je les ai vus jeter ma veste dans ce coin là-bas, et dans la poche de ma veste est ma Bible ; si maîtresse voulait bien l’aveindre pour moi ? »
Cassy chercha dans la poche et en retira le livre. Tom l’ouvrit tout de suite à une page marquée et fort usée. C’étaient les dernières scènes de la vie de Celui dont les plaies nous ont guéris.
« Si maîtresse était si bonne que de me lire ce passage, — ça fait encore plus de bien que l’eau. »
Cassy prit le livre d’un air d’orgueil et d’indifférence et parcourut la page ; puis elle lut d’une voix douce et vibrante, avec une justesse d’intonation remarquable, ce touchant récit de gloire et d’angoisse. Souvent, en lisant, sa voix s’altérait et lui manquait totalement ; alors elle s’arrêtait, composait son visage jusqu’à ce qu’elle se fût tout à fait maîtrisée. Quand elle en vint à ces mots : « Mon père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font, » elle jeta le livre à terre, et ensevelissant son visage dans les masses épaisses de ses cheveux, elle sanglota tout haut avec une violence convulsive.
Tom pleurait aussi et murmurait une prière étouffée.
« Si nous pouvions seulement faire comme lui ! soupira-t-il. Dire que cela semble si naturel à lui, et nous, il nous faut combattre si fort ! Ô Sauveur, aidez-nous ! oh ! aidez-nous, béni Seigneur Jésus !
« Maîtresse, dit Tom au bout d’un moment, je vois bien que vous êtes fort au-dessus de moi en tout ; mais il est une chose que vous pourriez apprendre même du pauvre Tom. Vous dites que le Seigneur prend parti contre nous, parce qu’il nous laisse être injuriés et frappés ; mais voyez ce qui est advenu de son propre Fils, — le béni Seigneur de gloire ! N’a-t-il pas toujours été pauvre ? et aucun de nous est-il descendu aussi bas que lui ? Le Seigneur nous a pas oubliés, j’en suis comme sûr !