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maniant de ses doigts grossiers sa délicate petite oreille.

— Non, maître, répondît Emmeline tremblante et les yeux baissés.

— Eh bien, je t’en donnerai une paire dès que nous serons chez nous, si tu es bonne fille, s’entend. Allons donc ! n’aie pas peur, je ne te mettrai pas à de rudes besognes, va ! tu auras du bon temps avec moi ; — tu vivras, ma foi, comme une reine ! — pourvu que tu sois bonne fille ! »

Legris avait bu à un degré qui l’inclinait à se faire gracieux ; et l’approche de la plantation, dont l’enceinte commençait à paraître, achevait de le bien disposer. La propriété avait d’abord appartenu à un homme bien né, riche et plein de goût, qui avait mis beaucoup d’argent aux embellissements et améliorations ; mais il était mort insolvable, et Legris s’était porté acquéreur, ne voyant là, comme en toute autre chose, qu’un moyen de plus de gagner de l’argent. L’habitation avait ce triste aspect de délaissement, de désordre, suite habituelle de l’abandon des plans d’un premier propriétaire.

Ce qui avait été jadis une pente de gazon ras et uni au-devant de la façade, pelouse ornée çà et là de bouquets de fleurs et d’arbustes, n’était plus qu’une jachère, où se dressaient de place en place des poteaux pour attacher les bêtes. Tout autour l’herbe était foulée, et la terre dénudée, était couverte de vieux baquets, de seaux brisés et d’autres débris. Un jasmin demi mort, un chèvrefeuille flétri, se suspendaient encore à quelques colonnettes, légers ornements dégradés, hors d’aplomb, pour avoir servi de piquets à attacher les chevaux. À travers les flots de mauvaises herbes, sous lesquelles le jardin était enseveli, pointaient un petit nombre de plantes exotiques, plus vivaces que les autres, qui semblaient protester contre leur abandon. Ce qui avait été une serre, maintenant sans vitres ni châssis, étalait,