Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/454

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE XXXI.

Le dépôt d’esclaves.


Un dépôt d’esclaves ! Ce mot évoque peut-être d’horribles visions chez quelques-uns de mes lecteurs. Ils se figurent un antre obscur, immonde, un affreux Tartare, informis, ingens, cui lumen ademptum. Mais non, innocent ami ! De nos jours l’art de faire le mal s’est perfectionné ; on y met de l’adresse, de la recherche ; on évite avec soin tout ce qui pourrait choquer les yeux, offenser les sens d’une société respectable. La propriété humaine est en hausse ; en conséquence, on la nourrit bien, on la nettoie, on l’étrille, on la soigne, afin qu’elle arrive au marché propre, forte, et luisante. Un dépôt d’esclaves à la Nouvelle-Orléans est une maison bien tenue, qui ne diffère pas essentiellement des autres magasins, et où vous pouvez voir chaque jour, alignés sous une espèce de hangar, au dehors, des rangées d’hommes et de femmes, enseigne de la marchandise qui se vend au dedans.

On vous priera, de la façon la plus courtoise, d’entrer, d’examiner, et vous trouverez abondance de maris, de femmes, de frères, de sœurs, de pères, de mères, de jeunes enfants, à vendre séparément ou par lots, selon la convenance de l’acquéreur. L’âme immortelle, rachetée jadis par le sang et les angoisses du Fils de Dieu fait homme, alors que « la terre trembla, que les pierres se fendirent, et que les sépulcres s’ouvrirent, » se vend là, s’y loue, s’hypothèque, se troque contre de l’épicerie ou tout autres denrées sèches, suivant les phases du commerce et la fantaisie de l’acheteur.

Tom, Adolphe et leurs compagnons d’infortune avaient été confiés à la bienveillante sollicitude de M. Skeggs, gardien d’un dépôt dans la rue de ***, pour y attendre la vente du lendemain.