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pour lesquels je n’ai encore rien fait. Un jour peut-être, plus tard, on verra que je puis accomplir quelque chose pour la classe entière, quelque chose pour laver mon pays de la honte que lui inflige, aux yeux de toutes les nations civilisées, la fausse position qu’il a prise.

— Croyez-vous possible que la nation en vienne à une émancipation volontaire ?

— Je n’en sais rien. Le temps est aux grandes actions. L’héroïsme et le désintéressement apparaissent, çà et là, sur la terre. Les nobles hongrois, au détriment d’immenses fortunes, ont affranchi des millions de serfs. Il peut se trouver aussi parmi nous des âmes généreuses, qui n’escomptent pas l’honneur et la justice par dollars et deniers.

— J’ose à peine y croire, dit miss Ophélia.

— Supposons que, nous levant en masse demain, nous en venions à émanciper ; qui élèvera ces millions d’êtres ? qui leur apprendra à user de la liberté ? Ils n’arriveront jamais à se classer parmi nous. Le fait est que nous sommes nous-mêmes trop indolents, trop inhabiles, pour leur donner l’idée de l’énergie nécessaire à former des hommes. Il leur faudra émigrer dans le Nord, où le travail est à la mode, et passé dans les mœurs. Or, dites-moi, votre philanthropie chrétienne sera-t-elle assez robuste pour se charger de les élever, de les classer ? Vous envoyez des milliers de dollars aux missions étrangères, mais admettriez-vous des païens dans le sein de vos villes ? leur donneriez-vous votre temps, vos préoccupations, votre argent, pour en faire des chrétiens ? Voilà ce que je veux savoir. Si nous émancipons, élèverez-vous ? Combien se trouvera-t-il de familles dans votre village disposées à recevoir chacune un nègre et sa femme, à les instruire, à supporter leurs défauts, à s’efforcer de les rendre meilleurs ? Quels négociants me prendront Adolphe, si j’en veux faire un commis ? Quels ouvriers, si je désire qu’il apprenne un métier ? Combien