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— Ne vois-tu pas toute la peine que se donne miss Ophélia ? elle ne sait plus que faire de toi ; tu l’entends ?

— Seigneur, oui, maître ! Vieille maîtresse disait tout d’même ; elle me fouettait, ah ! elle me fouettait autrement dru ! elle m’arrachait les cheveux, elle me cognait la tête cont’ la porte, et ça n’y faisait rien du tout ; ça ne me faisait pas aucun bien. Pour sûr, elle m’aurait ôté par poignées tous les cheveux de ma tête que ça ne m’aurait pas fait aucun bien non plus. — Je suis si méchante, Seigneur ! et puis, je ne suis qu’une nèg’ après tout !

— J’abandonne la partie, reprit miss Ophélia ; j’en ai assez : je ne puis en endurer davantage.

— Permettez-moi une toute petite question seulement, dit Saint-Clair.

— Une question ! laquelle ?

— Si votre Évangile n’a pas la force de réformer, et de sauver une seule petite païenne que vous gouvernez absolument à votre guise, à quoi bon expédier un ou deux pauvres missionnaires, pour porter ce même livre au loin, à des milliers d’êtres de même espèce ? car l’enfant, je le présume, n’est qu’un bon échantillon de ce que sont tous vos autres païens de par delà les mers. »

Miss Ophélia ne répondit pas immédiatement. Éva, qui jusque-là avait écouté en silence, fit signe à Topsy de la suivre, et les deux enfants se glissèrent ensemble dans un petit cabinet vitré, au coin de la véranda, où Saint-Clair allait quelquefois lire.

« Que va faire Êva ? demanda Saint-Clair ; il faut que je le voie. »

Marchant sur la pointe des pieds, il s’avança doucement, écarta un peu le rideau de la porte, et presque aussitôt, posant le doigt sur ses lèvres, il appela d’un geste silencieux miss Ophélia près de lui. Les deux enfants étaient assises l’une vis-à-vis de l’autre sur le plancher : Topsy, avec son air mutin, comique et insouciant, Éva, la figure animée, attendrie, et les yeux pleins de larmes.