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triste, quand d’autres pauvres créatures n’ont que peines et chagrins toute leur vie ; — ah ! papa, cela semble si égoïste ! Eh ! ne dois-je pas le savoir pour y compatir ? J’y songe tant ! cela m’entre tout au fond du cœur. J’y pense et repense sans cesse. Papa, est-ce qu’il n’y a pas moyen que tous les esclaves soient libres ?

— C’est une question fort compliquée, ma chérie. Notre voie est fatale, il n’y a pas de doute ; notre système fâcheux ; beaucoup de gens le pensent ainsi, et moi avec eux. Je souhaiterais de toute mon âme qu’il n’y eût plus un seul esclave sur terre ; mais comment y arriver ? Quels moyens prendre ? Je n’en sais rien.

— Papa, vous êtes si bon, si noble, si tendre ; vous avez une façon si agréable de dire tout ce que vous dites ; si vous alliez de l’un à l’autre essayer de persuader aux gens de faire ce qui serait juste et bien ! Après que je serai morte, papa, vous y penserez, n’est-ce pas ? Vous le ferez pour l’amour de moi ? Je voudrais tant le faire, si je pouvais !

— Quand tu seras morte, Éva ! s’écria Saint-Clair avec un élan de désespoir. Oh ! enfant, ne me parle pas ainsi ! n’es-tu pas tout ce que j’ai sur terre !

— L’enfant de la vieille Prue était aussi tout ce qu’elle possédait au monde ; et pourtant elle l’a entendu crier jusqu’à mourir, sans pouvoir aller à lui ! Papa, ces pauvres gens aiment leurs chers petits comme vous m’aimez, moi. — Oh ! faites quelque chose pour eux ! N’y a-t-il pas la pauvre Mamie que j’ai vue pleurer bien des fois en parlant de ses enfants ; et Tom qui aime tant les siens ! N’est-ce pas affreux, cher papa, que de telles choses existent, et pourtant elles arrivent tous les jours !

— Là, ma chérie, là, mon Éva, dit Saint-Clair s’efforçant de la calmer. Ne t’affecte pas, ne me parle plus de mourir, et je ferai tout ce que tu voudras.

— Promettez-moi, papa, que Tom aura sa liberté, aussitôt