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Elle s’affligeait aussi pour les affectionnés et fidèles serviteurs, dont elle était la lumière et le soleil. Les enfants ne généralisent guère ; mais ce que Évangeline avait entrevu des horreurs du régime sous lequel les esclaves gémissent, était entré dans les profondeurs de cette âme recueillie, méditative, et d’une maturité précoce. Elle avait de vagues aspirations, d’ardents et douloureux désirs de faire quelque chose pour eux ; — de sauver, de rendre heureux, non-seulement ceux qu’elle connaissait, mais tous ! — élans passionnés, fervents, trop peu d’accord avec sa frêle enveloppe.

« Oncle Tom, dit-elle un jour, interrompant sa lecture à son humble ami, je puis mieux comprendre à présent que Jésus ait voulu mourir pour nous.

— Pourquoi, miss Éva ?

— Parce que je sens un peu de même.

— Comment ? miss Éva ? — Comprends pas bien.

— Je ne sais pas l’expliquer ; mais, quand je voyais ces pauvres gens sur le bateau, — vous savez, lorsque vous descendiez la rivière avec nous, — il y en avait qui regrettaient leurs mères, — d’autres leurs maris ; — d’autres pleuraient leurs petits enfants ; et aussi la pauvre Prue, quand j’ai entendu son histoire ! — Oh ! n’était-ce pas terrible ! — et, tant d’autres fois encore, j’ai senti que je serais contente de mourir, si en mourant j’empêchais tout ce mal. — Je voudrais mourir pour eux, oncle Tom, si je pouvais ! » dit l’enfant avec ferveur, et elle posa sur les robustes doigts de Tom sa petite main diaphane.

Tom regarda l’enfant avec respect ; et lorsque, appelée par son père, elle s’éloignait doucement, il essuya ses yeux à plusieurs reprises, et la suivit longtemps du regard.

« Pas possible de la retenir avec nous ! pas possible garder miss Éva ! dit-il à Mamie qu’il rencontra un instant après. Le signe du Seigneur est sur son front !