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comme une tourterelle charmée aux regards d’un serpent. Miss Ophélia, inquiète de la voir rechercher autant la société de son élève, en appela à Saint-Clair.

« Baste ! laissez l’enfant tranquille, dit-il, Topsy lui fera du bien.

— Mais une petite fille si dépravée ! — n’avez-vous pas peur qu’elle ne lui enseigne quelques méchancetés ?

— Éva ne les pourrait apprendre. Topsy, à la rigueur, peut être dangereuse pour d’autres ; non pour Éva. Le mal glisse sur son esprit, comme roule la goutte de rosée sur une feuille de chou, — sans y entrer.

— Ne soyez pas trop confiant, reprenait miss Ophélia, je vous assure que jamais je ne laisserais mes enfants, si j’en avais, jouer avec Topsy.

— Eux, à la bonne heure ; mais pour ma fille, c’est sans danger. Si Éva avait pu être gâtée, il y a des siècles qu’elle le serait. »

Topsy, tout d’abord souffre-douleur, objet des dédains et du mépris des principaux domestiques, les força vite à changer de note. On s’aperçut bientôt que le moindre outrage fait à la petite négresse était constamment expié par un accident fortuit. — Une paire de boucles d’oreilles ou autres colifichets favoris disparaissaient soudain ; un précieux chiffon de toilette se trouvait taché ou perdu ; le coupable bronchait contre un chaudron d’eau bouillante, ou recevait un déluge d’eau sale sur son habit de gala. Une enquête avait-elle lieu : il ne se trouvait point de délinquant. Topsy, plus d’une fois citée à la barre des domestiques, devant tout un aréopage, soutint l’examen avec sa gravité habituelle, et fit plein étalage de la plus édifiante innocence. Personne qui doutât de sa culpabilité ; personne qui pût arriver à une preuve, et miss Ophélia était trop juste pour punir sur des présomptions.

Les malices prenaient aussi singulièrement bien leur temps, et l’agresseur savait se mettre à l’abri. Les vengeances sur Rosa et sur Jane, les deux femmes de