Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mieux. Seulement je me permettrai une légère observation : j’ai vu battre cette enfant avec un fourgon à tisonner le feu ; je l’ai vu terrasser avec la pelle, les pincettes, tout ce qui tombait sous la main ! Elle me paraît tellement familiarisée avec ce procédé d’éducation, que votre fouet devra être terriblement énergique pour la stimuler tant soit peu.

— Que faire alors ? que faire ? demanda miss Ophélia.

— Vous soulevez là une grave question, cousine, et je souhaite que vous arriviez à la résoudre. Que faire, en effet, d’un être humain gouverné seulement par le bâton, — si le bâton fait défaut ? — et chez nous cet état de choses est des plus ordinaires.

— Le fait est que je suis à bout ! Jamais je ne vis enfant pareil !

— Les enfants, et même les hommes et les femmes de cette espèce, sont loin d’être rares ici. Comment les gouverner ? dit Saint-Clair.

— C’est plus que je ne puis dire ! soupira miss Ophélia.

— Je n’en sais pas plus que vous. Les cruautés horribles, les atrocités qui, de temps à autre, se font jour dans les gazettes, — les incidents du genre de celui de Prue, par exemple, — d’où viennent-ils ? — Ce n’est la plupart du temps qu’un endurcissement progressif des deux parts. — Le propriétaire devient cruel à proportion que l’esclave devient insensible. Le fouet et les injures sont comme l’opium, il faut doubler la dose quand la sensibilité s’émousse. Devenu propriétaire d’assez bonne heure, j’ai compris la situation, et j’ai résolu de ne jamais commencer, parce que je ne savais pas où je m’arrêterais : — tout au moins ai-je voulu protéger ma propre moralité. Il en résulte que mes serviteurs se conduisent en enfants gâtés ; ce qui me semble meilleur pour eux et pour moi que de nous abrutir de compagnie. Vous en avez dit long, cousine, sur nos responsabilités en fait d’éducation. J’éprouve vraiment le besoin de voir vos