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le garder. » C’est là un langage clair, net et fort ; il a du moins pour lui le mérite de la vérité ; et si nous en jugeons par l’expérience, la majorité le soutiendra. Mais si un homme, au contraire, prenant une mine hypocrite, s’en vient d’un ton cafard me citer l’Écriture, je le soupçonne aussitôt de n’être pas à beaucoup près aussi saint qu’il voudrait le paraître.

— Vous êtes bien peu charitable ! s’écria Marie.

— Supposons un moment, dit Saint-Clair, qu’un événement imprévu fasse baisser le coton tout d’un coup et pour toujours, et réduise à rien sur le marché la valeur des esclaves. Ne pensez-vous pas que nous aurions aussitôt une autre version de la sainte Écriture ? Quels flots de lumière inonderaient l’Église ! Combien vite ne découvrirait-on pas que la raison et la Bible sont de l’autre bord !

— En tous cas, répondit Marie, se renversant sur le sofa, je rends grâce au ciel d’être née dans un pays où l’esclavage existe ; je le crois bon et permis ; je sens qu’il doit l’être ; et quoi qu’il arrive, je ne m’en saurais passer.

— Et toi, qu’en penses-tu, Minette, dit Saint-Clair à Éva, qui entrait en ce moment une fleur à la main.

— De quoi, papa ?

— Qu’aimerais-tu mieux, vivre comme on vit chez ton oncle, là-haut, dans le Vermont, ou bien dans une maison pleine de domestiques comme la nôtre ?

— Oh ! notre maison est la plus agréable, à coup sûr.

— Et pourquoi ? lui demanda Saint-Clair en lui caressant la tête.

— Parce que cela fait autour de soi tant de gens de plus à aimer ! n’est-ce pas ? dit Éva le regardant avec ardeur.

— C’est bien tout juste, Éva, s’écria Marie. Une de ses idées baroques !