— Vous savez bien que vous faites tout le contraire !
— C’est qu’alors je me trompe ; je vous remercie, ma chère, de me remettre dans le droit chemin.
— Vous voulez m’irriter, s’écria Marie.
— Oh ! je vous en prie, Marie ; la chaleur est accablante, et je viens d’avoir avec Dolphe une prise qui m’a exténué ; ainsi, je vous en supplie, montrez-vous aimable, et laissez un pauvre garçon épuisé se raviver à l’éclat de votre sourire.
— Qu’a fait Dolphe ? son impudence s’est accrue à tel point que ce drôle m’est devenu insupportable. Je souhaiterais l’avoir, pendant quelque temps, sous ma direction exclusive. Je le romprais, je vous en réponds.
— Ce que vous dites là, ma chère, est marqué au coin de votre esprit et de votre bon sens habituels. Quant à Dolphe, voici le fait : il s’est exercé si longtemps à imiter mes grâces et autres perfections, qu’il a fini par se prendre pour son maître, et j’ai été obligé de lui faire sentir sa méprise.
— Comment ?
— Je lui ai fait comprendre d’une façon explicite, que je désirais garder quelques-uns de mes habits pour mon usage personnel ; j’ai arrêté aussi sa munificence à l’égard de mon eau de Cologne, et j’ai même été assez cruel pour le restreindre à une douzaine de mes mouchoirs de batiste. Ceci surtout a fortement humilié Dolphe, et pour le consoler je lui ai parlé en père.
— Oh ! Saint-Clair, quand donc apprendrez-vous à conduire vos esclaves ! vous les perdez par votre faiblesse.
— Après tout, où est le mal que le grand pauvre diable désire ressembler à son maître ? et si je l’ai élevé de façon à ce qu’il plaçât son bonheur suprême dans l’eau de Cologne et les mouchoirs de batiste, pourquoi ne lui en donnerais-je pas ?
— Pourquoi plutôt ne l’avez-vous pas mieux élevé ?