Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leva, regarda sa montre, dit qu’il avait un rendez-vous, et sortit.

Éva se glissa derrière lui, miss Ophélia et Marie restèrent seules à table.

« C’est bien de Saint-Clair ! dit celle-ci, en retirant son mouchoir avec dépit, dès que le criminel fut hors d’atteinte ; jamais il ne pourra, jamais il ne voudra comprendre ce que je souffre, et cela depuis des années ! Si j’étais une de ces femmes douillettes, faisant grand bruit de leurs maux, ce serait excusable. Une femme qui se plaint fatigue naturellement les hommes. Mais j’ai tout gardé pour moi, et souffert en silence ; si bien que Saint-Clair a fini par croire que je pouvais tout supporter. »

Miss Ophélia ne savait pas au juste quelle réponse on attendait d’elle.

Tandis qu’elle y songeait, Marie sécha peu à peu ses larmes, et remit en ordre sa toilette, avec la coquetterie d’une colombe qui lisse son plumage après une ondée. Elle entama une harangue toute féminine sur les armoires, la lingerie, le garde-meuble, etc., départements que, d’un commun accord, miss Ophélia allait prendre sous sa direction ; — et elle entassa, à la fois, tant de recommandations et de renseignements, qu’une tête moins bien ordonnée, et moins systématique que celle de miss Ophélia, en eût été complètement déroutée et ahurie.

« À présent, je crois vous avoir tout dit. À ma prochaine indisposition, vous serez en état de me remplacer, sans même me consulter. — Encore un mot sur Éva : — elle a grand besoin d’être surveillée.

— Elle me parait une excellente enfant, dit miss Ophélia ; je n’en ai jamais rencontré de meilleure.

— Éva est très-étrange ; il y a des choses sur lesquelles elle est si originale ! elle ne me ressemble en rien. » Et Marie soupira, comme si elle eût pensé que ce fût là un grand sujet de tristesse.

Miss Ophélia se dit en son for intérieur : « J’espère