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clochers, les dômes de sa ville natale, à mesure qu’elle les reconnaissait.

« Oui, oui, ma chère, c’est bel et bon ; mais voilà le bateau qui s’arrête !… et votre père, encore un coup ? »

On en était au tumulte habituel de l’arrivée ; — les garçons d’hôtels allaient, venaient, se heurtaient ; — les portefaix s’arrachaient les caisses, les sacs de nuit, les coffres ; — les femmes appelaient leurs enfants avec inquiétude, et une foule compacte se pressait vers la planche d’abordage.

Miss Ophélia, campée résolument sur la malle récemment vaincue, tous ses biens et effets rangés en bel ordre militaire, se montrait déterminée à les défendre jusqu’au bout.

« Prendrai-je votre malle, madame ? — Enlèverai-je votre bagage ? — Maîtresse veut-elle pas laisser moi tout porter ? — Eh ! madame, je me charge de vos colis ? » — Demandes, instances, prières, pleuvaient en vain autour d’elle. Miss Ophélia, assise, immuable, impassible, droite comme un i, tenait son faisceau de parapluies et d’ombrelles en guise de fusil au repos, et ses courtes et fermes répliques eussent décontenancé un cocher de fiacre. À chaque assaut cependant elle en appelait à Éva : — « À quoi votre père pense-t-il donc ?… pourvu qu’il ne soit pas tombé par-dessus bord ! — Il faut qu’il lui soit arrivé quelque chose ? »

Enfin son inquiétude devenait sérieuse, quand il parut, s’avança avec son indolence habituelle, et dit, comme il tendait à Éva un quartier d’orange :

« Eh bien, notre cousine du Vermont, sommes-nous prêtes ?

— Voilà plus d’une heure que nous le sommes, prêtes, et je commençais vraiment à être fort en peine de vous !

— Trop heureux, cousine. Eh bien, la voiture attend ; la foule s’est éclaircie, nous pouvons maintenant sortir d’une façon décente et chrétienne, sans être poussés et