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de son marteau, debout, et montre-nous la souplesse de tes rouages !

— Oh ! mettez-nous tous deux ensemble, maître ! — ensemble, s’il vous plaît ! dit la vieille, se cramponnant à son fils.

— Lâche donc ! cria l’homme, comme il détachait rudement les mains de la femme : tu viendras en dernier, toi ! Allons ! saute, moricaud ! » Il poussa l’enfant vers les tréteaux. Un gémissement sourd et plaintif s’éleva derrière lui : le jeune garçon hésita, se retourna ; — mais les minutes étaient comptées, et chassant du revers de sa main les larmes de ses grands yeux, il s’élança sur l’estrade.

Sa taille svelte, ses membres agiles, sa figure intelligente, provoquèrent aussitôt une vive concurrence ; une demi-douzaine d’enchères assaillirent à la fois les oreilles du crieur. Le sujet de la contestation, anxieux, effaré, regardait de côté et d’autre, pendant que les offres se succédaient, — tantôt ici, tantôt là, — jusqu’à ce que retomba le marteau levé. Il appartenait à Haley. On le poussa vers son nouveau maître. Il s’arrêta un moment à regarder sa pauvre vieille mère, qui, tremblant de tous ses membres, tendait vers lui ses mains défaillantes.

« Achetez-moi aussi, maître ! pour l’amour béni du Seigneur, achetez-moi !… Si vous ne m’achetez pas, je mourrai !

— Tu pourras bien mourir si tu m’y prends ! dit le marchand ; non, non ! » Il tourna sur les talons.

L’enchère de la pauvre créature ne fut pas de longue durée ; l’homme qui s’était adressé à Haley, et qui ne semblait pas dépourvu de compassion, l’acheta pour presque rien, et les spectateurs commencèrent à se disperser.

Les tristes victimes qui avaient habité le même lieu, pendant des années, s’assemblèrent autour de la pauvre mère, dont l’angoisse faisait mal à voir.

« Pouvaient-ils donc pas m’en laisser un ?… Le maître a toujours dit que j’en aurais un ; — il l’a dit ! répétait-elle encore et encore d’une voix brisée.