Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Eh ! Chloé, tu en prends ton parti mieux que nous ! dit l’une d’elles qui donnait libre cours à ses larmes, et que scandalisait le sombre et calme maintien de la tante Chloé, debout près du chariot.

— J’en ai fini de pleurer, moi, répliqua-t-elle en regardant d’un air fauve le marchand qui approchait, et, en tout cas, je ne donnerai pas à ce vilain démon le plaisir de m’entendre geindre !

— Monte, et vite ! » dit Haley à Tom, comme il traversait la foule des esclaves qui le suivaient d’un œil menaçant.

Tom monta ; Haley, tirant de dessous la banquettes deux lourdes chaînes, les lui fixa autour des chevilles.

Un murmure étouffé d’indignation circula dans le cercle, et madame Shelby, restée sous la véranda, s’écria :

« Monsieur Haley, c’est une précaution tout à fait inutile, je vous assure.

— Peux pas savoir, madame. J’ai perdu ici cinq cents bons dollars, et je n’ai pas le moyen de courir de nouveaux risques.

— Quoi donc autre attendait-elle de lui ? dit tante Chloé avec indignation ; tandis que les deux enfants, comprenant cette fois la destinée de leur père, s’attachaient à sa robe et poussaient de lamentables cris.

— Je suis fâché, dit Tom, que massa Georgie soit en route. »

Georgie était allé passer deux ou trois jours avec un camarade sur une habitation voisine : parti de grand matin, avant que le malheur de Tom se fût ébruité, il l’ignorait.

« Faites mes amitiés à massa Georgie, » dit Tom vivement.

Haley fouetta le cheval, et emporta sa propriété, qui, la tête tournée en arrière, jetait un triste et long regard à la chère vieille maison.