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échapper un grognement de compassion, ouvrit la porte d’une petite chambre attenant à la vaste cuisine où ils se trouvaient ; il lui fit signe d’y entrer, alluma une chandelle, posa le flambeau sur la table, et s’adressant alors à Éliza :

« Maintenant, je vous le dis, jeune fille, ne vous avisez pas d’avoir peur. Qu’ils y viennent ! je ne vous dis que ça ; je suis prêt ! et il montra deux ou trois bonnes carabines rangées au-dessus de la cheminée. Ceux qui me connaissent, un brin seulement, savent assez qu’il ne serait pas sain du tout d’essayer d’enlever quelqu’un de chez moi, malgré moi ! Or donc, dormez maintenant sur les deux oreilles, comme si votre mère vous berçait. » Ayant parlé, il referma la porte.

« C’est qu’elle est des plus jolies, dit-il au sénateur ; et en pareil cas les plus belles ont les meilleures raisons de se sauver, pour peu qu’elles aient quelques sentiments ; je suis au fait !

Le sénateur raconta en peu de mots les aventures d’Éliza.

— Oh ! — ah ! — ouf. — Allons ! — demandez-moi un peu ! — Hé là là ! — elle ! oh ! elle ! — une mère ! Eh ! c’est la nature même ! et chassée comme un daim, pour avoir des sentiments naturels, pour avoir agi comme doit agir une mère ! Ces choses-là me feraient jurer ! dit l’honnête Jean, essuyant ses yeux du revers de sa main rugueuse. Voyez-vous, monsieur, c’est pourquoi j’ai passé des années et des années sans me joindre à aucune Église : les ministres de nos côtés prêchaient que la Bible autorise ces rafles d’hommes. Je ne pouvais leur tenir tête, moi, avec leur grec et leur hébreu ! je les plantai donc là, eux et leurs livres. Ce n’est que lorsque j’ai trouvé un ministre qui pouvait leur river leur clou, en grec et en toutes langues, et qui prêchait juste le contraire, que j’ai dit : Voilà mon homme ! et j’ai mordu à la chose et joint sa chapelle. — C’est là l’histoire ! Et Jean qui s’était