Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Et où comptez-vous aller, ma pauvre femme ? demanda madame Bird.

— Au Canada : si je savais seulement où c’est ! Le Canada ! est-ce donc si loin ? Elle leva sur madame Bird un regard confiant et ingénu.

— Pauvre enfant ! dit involontairement madame Bird.

— Faut-il faire beaucoup, beaucoup de chemin ? reprit la femme avec vivacité.

— Plus que vous ne pensez, pauvre enfant, dit madame Bird ; mais nous allons réfléchir à ce qui se pourra faire. Allons, Déborah, dresse-lui un lit dans ta chambre, près de la cuisine, et, demain matin, nous aviserons au reste. En attendant, ne craignez rien, chère femme, mettez en Dieu votre confiance ; il vous protégera. »

Madame Bird et son mari retournèrent au salon, où elle s’assit, toute recueillie, dans sa petite berceuse devant le feu ; elle se penchait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, d’un air pensif. Quant à M. Bird, il arpentait la chambre à grands pas : « Ouf ! se grommelait-il à lui-même ; peste ! une désagréable affaire ! Enfin, arrivant droit à sa femme :

« Très-décidément, madame Bird, dit-il, il faut qu’elle parte cette nuit même. Le drôle est sur la piste, et demain, dès le grand matin, il sera ici. S’il ne s’agissait que de la femme, on la tiendrait renfermée jusqu’à ce que tout fût assoupi. Mais le petit bon homme ! une armée, infanterie et cavalerie, ne le ferait pas tenir tranquille, j’en réponds. Il passera sa petite tête par quelque trou, fenêtre ou porte, et éventera la mèche. Une jolie besogne pour moi, s’ils venaient à être attrapés ici tous deux ! Non, non ! il faut qu’elle parte à l’instant même.

— Cette nuit ! pas possible ! et pour aller où ?

— Oh ! je sais assez où la mener ; et le sénateur commença à remettre ses bottes : puis, s’arrêtant à mi-chemin,