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Un soupir profond et brisé fut sa seule réponse. Mais, levant lentement ses yeux noirs, elle regarda madame Bird avec une expression suppliante qui amena des larmes dans les yeux de l’excellente petite femme.

« Vous n’avez rien à craindre ici ; vous êtes avec des amis ; dites-moi d’où vous venez, et ce qu’on peut faire pour vous.

— Je suis venue du Kentucky.

— Quand ? demanda monsieur Bird reprenant l’interrogatoire.

— Ce soir.

— Comment avez-vous fait ?

— J’ai traversé sur la glace.

— Sur la glace ! se récrièrent-ils tous.

— Oui, dit lentement la femme ; Dieu aidant, je l’ai fait. Ils étaient derrière moi, tout près, et il n’y avait pas d’autre route.

— Hé là ! maîtresse, s’écria Cudjoe, la glace être toute brisée, et les blocs se dandiner et brandiller tout du long de l’eau !

— Je le sais — je le sais bien, continua la femme s’exaltant : mais je l’ai fait ! Je n’espérais pas traverser ; qu’importe ! je ne pouvais que mourir. — Le Seigneur m’est venu en aide. — Personne ne sait, avant d’avoir essayé, jusqu’où le Seigneur peut le secourir ! ajouta-t-elle, et un éclair jaillit de ses yeux.

— Étiez-vous esclave ? reprit M. Bird.

— Oui, monsieur, d’un habitant du Kentucky.

— Était-il dur pour vous ?

— Non, monsieur ; un bon maître.

— Et votre maîtresse ?… méchante peut-être ?

— Non, monsieur ; excellente.

— Pourquoi alors quitter une bonne maison et fuir à travers tant de dangers ? »

La femme avait jeté sur madame Bird un regard scrutateur ; elle avait vu le deuil profond de ses vêtements.