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encore sur ce pâle visage, dont il était impossible cependant de contempler sans émotion la touchante et douloureuse beauté. Ces traits rigides, cette immobilité glaciale, tout cet aspect de mort faisaient frissonner M. Bird, qui, silencieux, retenait son haleine, tandis qu’aidée de leur unique servante mulâtre la tante Déborah, sa femme prodiguait les secours : le vieux Cudjoe, tenant l’enfant sur ses genoux, se hâtait de lui enlever ses bas et ses souliers, et de réchauffer ses petits pieds glacés.

« Je dis que c’est une vue à regarder ! dit Déborah avec compassion. Le trop chaud être cause de cette pamoison, bien sûr. Quand pauv’ créature frapper là, encore toute alerte ; elle, entrer, prier pour avoir un air de feu, puis, quand moi demander d’où elle venait ? tout d’un coup la voilà pâmée ! — Faut que voir ses mains ! jamais ça n’a fait de la grosse besogne.

— Pauvre femme ! » dit madame Bird lorsque, entr’ouvrant enfin ses grands yeux noirs, l’étrangère promena autour d’elle un regard vague et languissant. Mais soudain ses traits se contractent, elle se tord, se redresse en s’écriant : « Mon Henri ! ils me l’ont pris !… ils le tiennent ! Au secours !… »

À ce cri, l’enfant s’élança de dessus les genoux de Cudjoe et accourut tendant ses petits bras à sa mère. « Le voilà ! le voilà ! s’écria-t-elle ; puis, s’adressant à la maîtresse : Oh ! madame, protégez-nous ! sauvez-le ! ne les laissez pas me le prendre ! dit-elle d’un air égaré.

— Vous êtes en sûreté ici, pauvre femme, reprit madame Bird avec bonté. Calmez-vous, ne craignez rien.

— Dieu vous bénisse ! » dit la femme, étouffant ses sanglots dans ses mains ; l’enfant, qui la regardait pleurer, s’efforça de grimper sur elle.

Grâce à des soins tendres et bien entendus que nul n’aurait su mieux rendre, madame Bird parvint à tranquilliser la femme. Un lit de camp fut improvisé pour