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C’était bien la mère la plus indulgente, la plus prompte à pardonner, et cependant ses garçons n’avaient garde d’oublier certaine correction, qu’elle leur appliqua pour les avoir trouvés, en compagnie de quelques petits garnements du voisinage, en train de lapider un malheureux petit chat.

« Vrai, disait l’aîné des fils, j’en garde encore les marques. Mère arriva sur moi comme une furieuse, et j’étais fouetté et fourré au lit sans souper, avant d’avoir demandé pourquoi ; puis j’entendis mère pleurer derrière la porte, ce qui me fit plus de peine que tout. Aussi, on ne nous y reprendra plus, à jeter une pierre à un chat, j’en réponds ! »

Cette fois-ci madame Bird se leva vivement, les joues pourpres, ce qui ne la rendait que plus jolie, s’avança droit sur son mari, et lui dit d’un ton ferme :

« John, je veux savoir maintenant si une pareille loi vous semble juste et chrétienne, à vous ?

— Me tuerez-vous, ma petite femme, si je dis oui ?

— Je n’aurais jamais pensé cela de vous, John ! Mais vous n’avez pas voté pour ?…

— Si, ma belle ennemie.

— Vous devriez être honteux, John ! De pauvres créatures sans logis, sans amis ! C’est une odieuse, lâche, abominable loi, et je la violerai, pour mon compte, à la première occasion. — J’espère que j’en trouverai des occasions, et plus d’une ! Ce serait beau vraiment qu’une femme ne pût donner un souper et un lit à de malheureux affamés, parce qu’ils sont esclaves, qu’ils ont été injuriés, battus, opprimés toute leur vie, pauvres gens !

Écoutez-moi donc, Marie ; vos sentiments sont tout à fait justes, tendres, bons, et je vous en aime davantage, ma chère ; mais il ne faut pas, voyez-vous, que notre sensibilité étouffe notre jugement : ce n’est pas de sentiments privés seulement, c’est d’intérêts publics