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— Bon ! alors il n’est pas vrai qu’on ait fait une loi pour défendre de donner à boire et à manger aux pauvres gens de couleur qui passent par ici ? On prétendait qu’il était question de quelque chose de semblable ; jamais législature chrétienne n’adopterait pareille loi !

— Eh mais, Marie, vous vous lancez dans la politique !

— Quelle folie ! non, certes, je ne me soucie mie de tous vos longs discours ; mais ce serait là une chose cruelle, impie, vraiment ! et j’espère, mon cher, que rien de ce genre n’a passé.

— Nous avons sanctionné une loi qui défend de prêter secours aux esclaves fugitifs qui nous viennent du Kentucky, ma chère. Ces fous d’abolitionnistes en ont tant fait que nos frères du Kentucky se sont montés la tête, et il a semblé nécessaire, et non moins sage que chrétien, de faire quelque chose de ce coté de l’Ohio pour calmer l’agitation.

— Et que dit-elle donc, cette loi ? Elle ne nous défend pas, j’espère, d’abriter une nuit de pauvres créatures, de leur donner un bon repas, quelques vieilles hardes, et de les renvoyer ensuite paisiblement à leurs affaires ?

— Comment ? mais si, ma chère. Ce serait les aider et se faire leurs complices. »

Madame Bird était une petite femme de moins de quatre pieds de hauteur, aux doux yeux bleus, au teint de fleur de pêcher, timide, rougissante, à la voix mélodieuse. Quant au courage, on savait que le gloussement d’une dinde l’avait une fois mise en fuite, et un chien de taille moyenne, pour la tenir en respect, n’avait qu’à lui montrer les dents. Son mari, ses enfants, étaient son univers, qu’elle gouvernait par la tendresse et les prières, non par le raisonnement ou l’autorité. Une seule chose pouvait révolter cette nature douce et sympathique ; la moindre apparence de cruauté soulevait en elle une colère inattendue, soudaine, tout à fait hors de proportion avec son tempérament délicat et tendre.