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CHAPITRE IX

L’Évasion.


Sam et Andy retournaient au logis, en grande jubilation, tandis que cette scène se passait à la taverne. Sam ne se tenait pas de joie. Ses transports se traduisaient par toutes sortes de hurlements, d’interjections hétéroclites, de mouvements désordonnés et de contorsions bizarres. Parfois il était assis à rebours, la face tournée vers la queue et la croupe du cheval ; soudain il poussait un cri de triomphe, et une culbute le remettait droit en selle. — Allongeant alors une face lugubre, il réprimandait Andy, d’un ton ronflant, des risées inconvenantes que se permettait l’étourdi. Puis, instantanément il se battait les flancs de ses bras, et s’abandonnait à des tonnerres de rire qui faisaient retentir les bois. À travers toutes ces évolutions il parvint à maintenir les chevaux au grand galop, et, entre dix et onze heures, leurs sabots résonnaient sur le gravier de la cour.

Madame Shelby vola au balcon.

« Est-ce vous, Sam ? où sont-ils ?

— Massa Haley être à se délasser à la taverne ; lui, bien fatigué, ah ! bien las, maîtresse !

— Mais Éliza ! Sam ?

— Eh ! eh ! Jourdain être passé : elle avoir gagné, comme on dit, la terre de Chanaan.

— Comment ! que voulez-vous dire, Sam ? Et perdant la respiration à l’idée que soulevaient ces paroles, madame Shelby se sentit défaillir.

— Le Seigneur protéger les siens, maîtresse ! Lizie avoir gagné l’Ohio[1], à travers la rivière, comme si le

  1. l’État de l’Ohio où l’esclavage n’existe pas, et qui est séparé du Kentucky par le fleuve du même nom. D’après la loi à laquelle il est souvent fait