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descendant pesamment sur la table, acheva sa phrase.

« Voilà ce qui s’appelle de l’éloquence, dit Marks, tapant sur le ventre de Haley en riant. Est-il original, ce Tom ! hi, hi, hi ! Parions qu’il n’y a pas tête crépue qui ne comprenne, quelque dure qu’elle soit ! Vrai, Tom, vous savez faire entrer les choses dans la cervelle, vous ; et si vous n’êtes le diable, par ma foi, vous êtes son cousin germain ! »

Loker accepta le compliment avec la modestie voulue, et prit l’air aussi affable que le comportait son naturel de boule-dogue. Quant à Haley, qui ne s’était pas ménagé les spiritueux, il commençait à sentir en lui une recrudescence de moralité, phénomène qui n’est pas rare en pareille occurrence chez les hommes graves et méditatifs.

« Là, Tom ! Eh bien, je vous l’ai toujours dit : vous êtes par trop rude ! Nous en avons souvent causé ensemble à Natchez ; et, comme je vous l’ai prouvé maintes et maintes fois, à ménager quelque peu la marchandise on n’en fait pas moins son chemin dans ce bas-monde, et l’on conserve plus de chance pour l’autre, vienne le pire du pire, voyez-vous !

— Pouah ! — hé, je vois de reste ! N’allez pas me débiter toutes vos fadaises de rebut, Haley ; je n’ai pas déjà l’estomac trop solide, et ça me tourne sur le cœur. » Cessant de parler, Tom absorba un demi-verre d’alcool pur.

« Je dis — et se renversant sur sa chaise, Haley gesticula avec véhémence, — et je le maintiens, j’ai toujours poussé mon commerce de façon à faire autant que qui que ce soit, primo et d’abord, de l’argent. Mais le trafic n’est pas tout ; l’argent n’est pas tout ; nous avons des âmes, tous tant que nous sommes, au bout du compte. — Peu m’importe qu’on hausse les épaules, j’ai mon opinion là-dessus, et rien ne m’empêchera de la dire. J’ai une religion, j’y crois, et quelqu’un de ces jours, quand j’aurai