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choses, rappelez-vous que j’ai pour femme votre sœur. J’ai d’elle un fils, le plus beau qui soit. C’est Baudoin, dit-il, qui sera un preux. C’est à lui que je lègue mes terres et mes fiefs. Prenez-le bien sous votre garde, je ne le reverrai de mes yeux. » Charles répond : « Vous avez le cœur trop tendre. Puisque je le commande, il vous faut aller. »

XXIV

Le roi dit : « Ganelon, approchez et recevez le bâton et le gant. Vous l’avez bien entendu : les Francs vous ont choisi. — Sire, » dit Ganelon, « c’est Roland qui a tout fait ! Je ne l’aimerai de ma vie, ni Olivier, parce qu’il est son compagnon, ni les pairs, parce qu’ils l’aiment tant. Je les défie, sire, sous votre regard ! » Le roi dit : « Vous avez trop de courroux. Vous irez certes, puisque je le commande. — J’y puis aller, mais sans nulle sauvegarde, tout comme Basille et son frère Basant. »

XXV

L’empereur lui tend son gant, celui de sa main droite. Mais le comte Ganelon eût voulu n’être pas là. Quand il pensa le prendre, le gant tomba par terre. Les Français disent : « Dieu ! quel signe est-ce là ? De ce message nous viendra une grande perte. — Seigneurs, » dit Ganelon, « vous en entendrez des nouvelles ! »