Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que nous devons adorer ! Entendez ce que vous mande le roi Marsile, le preux. Il s’est bien enquis de la loi qui sauve, aussi vous veut-il donner de ses richesses à foison, ours, et lions, et lévriers enchaînés, sept cents chameaux et mille autours sortis de mue, quatre cents mulets, d’or et d’argent troussés, cinquante chars dont vous ferez un charroi, comblés de tant de besants d’or fin que vous en pourrez largement payer vos soudoyers. En ce pays vous avez fait un assez long séjour. En France, à Aix, il vous sied de retourner. Là vous suivra, il vous l’assure, mon seigneur. » L’empereur tend ses mains vers Dieu, baisse la tête et se prend à songer.

X

L’empereur garde la tête baissée. Sa parole jamais ne fut hâtive. Telle est sa coutume, il ne parle qu’à son loisir. Quand enfin il se redressa, son visage était plein de fierté. Il dit aux messagers : « Vous avez très bien parlé. Mais le roi Marsile est mon grand ennemi. De ces paroles que vous venez de dire, comment pourrai-je avoir garantie ? — Par des otages, » dit le Sarrasin, « dont vous aurez ou dix, ou quinze ou vingt. Dût-il périr, j’y mettrai un mien fils, et vous en recevrez, je crois, de mieux nés encore. Quand vous serez en votre palais souverain, à la haute fête de saint Michel du Péril, là vous suivra, il vous l’assure, mon seigneur. Là, en vos