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Romain : c’est là qu’ils gisent, les vaillants. Les Français les remettent à Dieu et à ses Noms. Par les vaux, par les monts, Charles chevauche : jusqu’à Aix, il ne veut pas séjourner aux étapes. Tant chevauche-t-il qu’il descend au perron. Quand il est arrivé dans son palais souverain, il mande par messagers ses jugeurs, Bavarois et Saxons, Lorrains et Frisons ; il mande les Allemands, il mande les Bourguignons, et les Poitevins et les Normands et les Bretons, et ceux de France, qui entre tous sont sages. Alors commence le plaid de Ganelon.

CCLXVIII

L’EMPEREUR est revenu d’Espagne. Il vient à Aix, le meilleur siège de France. Il monte au palais, il est entré dans la salle. Voici que vient à lui Aude, une belle demoiselle. Elle dit au roi : « Où est-il, Roland le capitaine, qui me jura de me prendre pour sa femme ? » Charles en a douleur et peine. Il pleure, tire sa barbe blanche : « Sœur, chère amie, de qui t’enquiers-tu ? D’un mort. Je te ferai le meilleur échange. Ce sera Louis, je ne sais pas mieux te dire. Il est mon fils, c’est lui qui tiendra mes marches. » Aude répond : « Cette parole m’est étrange. À Dieu ne plaise, à ses saints, à ses anges, après Roland que je reste vivante ! » Elle perd sa couleur, choit aux pieds de Charlemagne. Elle est morte aussitôt : que Dieu ait pitié