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CCLVIII

LE jour passe, la vêprée approche. Francs et païens frappent des épées. Ceux qui ont mis aux prises ces armées sont preux l’un et l’autre. Ils n’oublient pas leur cri d’armes. L’émir crie : « Précieuse ! », Charles : « Montjoie ! », l’enseigne renommée. À leurs voix hautes et claires, ils se sont reconnus. Au milieu du champ ils se joignent, se requièrent, s’entredonnent de grands coups d’épieux sur leurs targes ornées de cercles. Ils les brisent toutes deux au-dessous des larges boucles ; les pans des deux hauberts se déchirent, mais ils ne se sont pas atteints dans leur chair. Les sangles rompent, les selles versent, les deux rois tombent..... Ils se redressent vite debout. Ils dégainent hardiment leurs épées. Cette lutte ne sera pas entravée : sans mort d’homme elle ne peut s’achever.

CCLIX

IL est très vaillant, Charles de douce France, et l’émir ne le craint ni ne tremble. Ils dressent leurs épées toutes nues, et sur leurs écus s’entredonnent de grands coups. Ils en tranchent les cuirs et les ais, qui sont doubles ; les clous tombent, les boucles volent en pièces. Puis, à corps découvert, ils se frappent sur leurs brognes ; de leurs heaumes clairs des étincelles jaillissent. Cette lutte