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de France ! Que de deuils encore avant qu’elle s’achève.

CCLIII

FRANÇAIS et Arabes frappent à l’envi. Tant de hampes se brisent, tant d’épieux fourbis ! Qui aurait vu ces écus fracassés, qui aurait ouï ces blancs hauberts retentir, ces écus grincer contre les heaumes, qui aurait vu ces chevaliers choir et tant d’hommes hurler et mourir contre terre, il lui souviendrait d’une grande douleur. Cette bataille est lourde à soutenir. L’émir invoque Apollin et Tervagan et aussi Mahomet : « Mes seigneurs dieux, je vous ai longuement servis. Toutes vos images, je les ferai d’or pur… ! » Devant lui vient un sien fidèle, Gemalfin ; il lui apporte de males nouvelles. Il dit : « Baligant, sire, un grand malheur est venu sur vous. Malpramis, votre fils, vous l’avez perdu. Et Canabeu, votre frère, est tué. Deux Français ont eu l’heur de les vaincre. L’empereur est l’un des deux, je crois : c’est un baron de haute stature, qui semble puissant seigneur ; il a la barbe blanche comme fleur en avril. » L’émir baisse sa tête, que le heaume charge ; son visage s’assombrit, sa douleur est si forte qu’il en pense mourir. Il appela Jangleu d’Outremer.