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je les ai comptées. Dites à l’émir qu’il y mène son armée. Je le lui mande par vous : qu’il livre là une bataille ! » Il leur a remis les clefs de Saragosse. Les messagers s’inclinent tous deux ; ils prennent congé, puis s’en retournent.

CXCIX

Les deux messagers sont montés à cheval. Ils sortent en hâte de la cité, vers l’émir s’en vont en grand désarroi. Ils lui présentent les clés de Saragosse. Baligant dit : « Qu’avez-vous appris ? Où est Marsile, que j’avais mandé ? » Clarien répond : « Il est blessé à mort. L’empereur était hier au passage des ports, il voulait retourner en douce France. Il avait formé une arrière-garde, bien propre à lui faire honneur, car le comte Roland y était resté, son neveu, et Olivier, et tous les douze pairs, et vingt milliers de ceux de France, tous chevaliers. Le roi Marsile leur livra bataille, le vaillant. Roland et lui se rencontrèrent. Roland lui donna de Durendal un tel coup qu’il lui a séparé du corps le poing droit. Il a tué son fils, qu’il aimait tant, et les barons qu’il avait amenés. Marsile s’en revint, fuyant, il ne pouvait tenir. L’empereur lui a violemment donné la poursuite. Le roi vous mande que vous le secouriez ; il vous rend en franchise le royaume d’Espagne. » Et Bali-