Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’aujourd’hui, une « traduction ». Ainsi ont fait avant moi deux autres éditeurs, Francis Génin et Léon Gautier.

Par définition, ces traductions juxtalinéaires, et qui rendent le mot par le mot, ne se suffisent pas à elles-mêmes. L’auteur de la plus récente, et non de la moins heureuse, des traductions en vers de notre poème, M. Henri Chamard, me l’a souvent remontré, tandis qu’il s’employait amicalement à reviser ma prose. Des traductions telles que la mienne ne prétendent qu’à l’exactitude littérale, et cette prétention même vise trop haut. On est inexact, et de la pire des inexactitudes, du seul fait que l’on transcrit en prose un ouvrage de la poésie. Privée de la forte cadence des décasyllabes et de la sonorité des belles assonances, la strophe du vieux trouvère n’est qu’un moulin sans eau. Que de fois, au cours de mon travail, me suis-je remémoré, avec mélancolie, certain chapitre, très sage, de la Défense et Illustration de Joachim du Bellay ! Il est intitulé : « De ne traduire les poètes ». À vrai dire, il devrait s’intituler : « De ne traduire, poète