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il fut contre les païens, toute sa vie, son champion. Que Dieu lui octroie sa sainte bénédiction !

CLXVII

Le comte Roland voit l’archevêque contre terre. Hors de son corps il voit ses entrailles, qui gisent ; la cervelle dégoutte de son front. Sur sa poitrine, bien au milieu, il a croisé ses blanches mains, si belles. Roland dit sur lui sa plainte, selon la loi de sa terre : « Ah ! gentil seigneur, chevalier de bonne souche, je te recommande à cette heure au Glorieux du ciel. Jamais nul ne fera plus volontiers son service. Jamais, depuis les apôtres, il n’y eut tel prophète pour maintenir la loi et pour y attirer les hommes. Puisse votre âme n’endurer nulle privation ! Que la porte du paradis lui soit ouverte ! »

CLXVIII

Roland sent que sa mort est prochaine. Par les oreilles sa cervelle se répand. Il prie Dieu pour ses pairs, afin qu’il les appelle ; puis, pour lui-même, il prie l’ange Gabriel. Il prend l’olifant, pour que personne ne lui fasse reproche, et Durendal, son épée, en l’autre main. Un peu plus loin qu’une portée d’arbalète, vers l’Espagne, il va dans un guéret. Il monte sur un tertre. Là, sous un bel arbre, il y a quatre perrons, faits de marbre. Sur l’herbe verte, il est tombé à la renverse. Il se pâme, car sa mort approche.