Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/195

Cette page a été validée par deux contributeurs.

grand est son deuil, il ne peut plus rester debout ; qu’il veuille ou non, il choit contre terre, pâmé. L’archevêque dit : « Baron, c’est pitié de vous ! »

CLXV

L’archevêque, quand il vit se pâmer Roland, en ressentit une douleur, la plus grande douleur qu’il eût ressentie. Il étendit la main : il a pris l’olifant. À Roncevaux il y a une eau courante : il veut y aller, il en donnera à Roland. À petits pas, il s’éloigne, chancelant. Il est si faible qu’il ne peut avancer. Il n’en a pas la force, il a perdu trop de sang ; en moins de temps qu’il n’en faut pour traverser un seul arpent, le cœur lui manque, il tombe, la tête en avant. La mort l’étreint durement.

CLXVI

Le comte Roland revient de pâmoison. Il se dresse sur ses pieds, mais il souffre d’une grande souffrance. Il regarde en aval, il regarde en amont : sur l’herbe verte, par delà ses compagnons, il voit gisant le noble baron, l’archevêque, que Dieu avait placé en son nom parmi les hommes. L’archevêque dit sa coulpe, il a tourné ses yeux vers le ciel, il a joint ses deux mains et les élève : il prie Dieu pour qu’il lui donne le paradis. Puis il meurt, le guerrier de Charles. Par de grandes batailles et par de très beaux sermons,