Page:Bedier - La Chanson de Roland.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.

CLXI

Les païens s’enfuient, marris et courroucés. Vers l’Espagne ils se hâtent, à grand effort. Le comte Roland ne peut leur donner la chasse : il a perdu Veillantif, son destrier ; bon gré mal gré, il reste, démonté. Vers l’archevêque Turpin il va, pour lui porter son aide, Il lui délaça du chef son heaume paré d’or et lui retira son blanc haubert léger. Il prit son bliaut et le découpa tout ; dans ses grandes plaies il en a bouté les pans. Puis il l’a pris dans ses bras, serré contre sa poitrine ; sur l’herbe verte il l’a mollement couché. Très doucement il lui fit une prière : « Ah ! gentil seigneur, donnez-m’en le congé : nos compagnons, qui nous furent si chers, les voilà morts, nous ne devons pas les laisser. Je veux aller les chercher et les reconnaître, et devant vous les réunir et les ranger. » L’archevêque dit : « Allez et revenez ! Ce champ est à vous, Dieu merci ! et à moi. »

CLXII

Roland part. Il va à travers le champ, tout seul. Il cherche par les vaux, il cherche par les monts. Là il trouva Ivorie et Ivon, et puis il trouva le Gascon Engelier. La il trouva Gérin et Gerier son compagnon, et puis il trouva Bérengier et Aton. Là il trouva Anseïs et Samson, et puis il trouva Gérard le vieux, de Roussillon. Un par un