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bénis. Puis ils sont remontés sur leurs destriers bien courants. Ils sont armés comme il convient à des chevaliers, et tous bien appareillés pour la bataille. Le comte Roland appelle Olivier : « Sire compagnon, vous disiez bien, Ganelon nous a trahis. Il en a pris pour son salaire de l’or, des richesses, des deniers. Puisse l’empereur nous venger ! Le roi Marsile nous a achetés par marché ; mais la marchandise, il ne l’aura que par l’épée ! »

XCI

Aux ports d’Espagne Roland passe sur Veillantif, son cheval bien courant. Il a revêtu ses armes, qui bien le parent. Il va, le baron, brandissant son épieu. Vers le ciel il en tourne la pointe ; au fer est lacé un gonfanon tout blanc ; les franges battent jusqu’à ses mains. Noble est son corps, son visage clair et riant. Après lui vient son compagnon, et ceux de France l’appellent leur garant. Il regarde menaçant vers les Sarrasins, puis, humble et doux, vers les Français, et leur dit ces mots, courtoisement : « Seigneurs barons, doucement, au pas ! Ces païens vont en quête de leur martyre. Avant ce soir nous aurons gagné un beau et riche butin : nul roi de France n’eut jamais le pareil. » Comme il parlait, les armées se joignirent.