Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 2.djvu/246

Cette page n’a pas encore été corrigée

BOURDON À qui la donnerez-vous ? On dirait, madame, à vous entendre, que vous avez des gendres plein vos poches et que vos filles n’auront que l’embarras du choix. Pourquoi le mariage de l’une d’elles, mariage qui paraissait bien conclu, celui-là, a-t-il manqué ? Faute d’argent. C’est qu’en effet, madame, faute d’argent, les jeunes filles restent jeunes filles. MADAME VIGNERON Vous vous trompez. Je n’avais rien et mon mari non plus. Il m’a épousée cependant et nous avons été très heureux. BOURDON Vous avez eu quatre enfants, c’est vrai. Si votre mari, madame, était encore de ce monde, il serait, pour la première fois peut-être, en désaccord avec vous. C’est avec effroi qu’il envisagerait la situation de ses filles, situation, quoi que vous en pensiez, difficile et périlleuse. Il estimerait à son prix la proposition de M. Teissier, imparfaite sans doute, mais plus qu’acceptable, rassurante pour le présent, (Regardant Marie.) éblouissante pour l’avenir. On ne risque rien, je le sais, en faisant parler les morts, mais le père de mademoiselle, avec un cœur excellent comme le vôtre, avait de plus l’expérience qui vous fait défaut. Il connaissait la vie ; il savait que tout se paye en ce monde ; et, en fin de compte, sa pensée aujourd’hui serait celle-ci : j’ai vécu pour