Page:Becque - Théâtre complet, 1890, tome 2.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

JUDITH Tu ne m’étonnes pas. Il était facile de voir que M. Teissier t’avait prise en affection et la pensée de t’épouser devait lui venir un jour ou l’autre. MARIE Est-ce que tu m’engagerais à accepter ? JUDITH Ne me demande pas mon avis là-dessus. C’est de toi qu’il s’agit, c’est à toi de décider. Vois, réfléchis, calcule, mais surtout ne pense qu’à toi. Si notre situation t’épouvante et que tu regrettes le temps où tu ne manquais de rien, épouse M. Teissier, il te fera payer assez cher un peu de bien- être et de sécurité. Mais comme je te connais, comme tu aimes bien ta mère et tes sœurs, et que tu pourrais te résigner pour elles à ce que tu repousserais pour toi, nous serions des plus coupables, tu m’entends, des plus coupables, en te conseillant un sacrifice qui est le plus grand que puisse faire une femme. MARIE Tout ce que tu dis est plein de cœur ; embrasse-moi encore.

Rosalie entre par la porte du fond ; elle tient une cafetière d’une main et de l’autre une casserole pleine de lait ; elle les dépose sur la table ; elle s’approche et regarde les deux sœurs en soupirant ; Marie et Judith se séparent.