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BOURDON Celui-là ne vous suffit pas ? (Pause.) Approchez, mesdemoiselles, vous n’êtes pas de trop. Votre mère est dans les nuages, aidez-moi à la ramener sur terre. Je vais prendre la situation, madame, aussi belle que possible. Admettons pour un instant que vos terrains vous appartiennent. J’écarte les créanciers hypothécaires qui ont barre sur eux. Savez-vous ce que coûterait l’achèvement de vos maisons qui sont à peine commencées ? Quatre à cinq cent mille francs ! Vous pensez bien que M. Lefort n’a pas cette somme. Vous ne comptez pas sur moi pour la trouver. Et alors même que vous la trouveriez chez moi ou ailleurs, conviendrait-il bien à une femme, permettez-moi de vous dire ça, de se mettre à la tête de travaux considérables et de se jeter dans une entreprise dont on ne voit pas la fin ? Cette question que je vous pose est si sérieuse, que si elle venait devant le conseil de famille qui sera chargé de vous assister dans la tutelle de vos enfants mineurs, on pourrait s’opposer à ce que le patrimoine de ces enfants, si petit qu’il sera, fût aventuré dans une véritable spéculation. (Solennellement.) Moi, membre d’un conseil de famille, chargé des intérêts d’un mineur, la chose la plus grave qu’il y ait au monde, je m’y opposerais. (Silence) Vous voilà avertie, madame. En insistant davantage, j’outrepasserais les devoirs de mon ministère. Vous savez où est mon étude, j’y attendrai maintenant vos ordres. Il sort.