tendre à remonter, par un autre chemin peut-être, afin que nous ayons toujours conscience de l'effort qu'il nous faudrait faire pour l'atteindre.
C'est pourquoi, s'il est pardonnable à la plupart des directeurs de sacrifier à la moindre culture du plus grand nombre, il est du devoir de quelques directeurs privilégiés de maintenir, autant que possible, l'art dans toute son intégrité et de résister au désir de trop flatter les instincts moins délicats d'un public plus nombreux. Or, s'ils remplissent ce devoir, c'est à la condition de se résigner à une perte de gain possible, sacrifice qui trouve sa compensation dans les subventions de l'État. Un directeur privilégié et garanti par l'État contre des pertes trop sensibles a pour devoir de ne pas sacrifier l'art à un désir de gain immodéré. Il doit s'appliquer à mettre en lumière la valeur intrinsèque des ouvrages qu'il met en scène; à amener à son point de perfection leur effet représentatif, sans permettre qu'il puisse détourner l'esprit des spectateurs de ce qui doit être l'objet principal de son attention. Il doit, en outre, interdire aux comédiens de troubler l'harmonie générale de l'œuvre en grossissant trop sensiblement l'effet représentatif de leur rôle. Il doit, en un mot, s'efforcer de mériter les applaudissements du public, mais se montrer sévère sur les moyens de les lui arracher. C'est son honneur et sa gloire de monter parfois des œuvres qui ne soient susceptibles de plaire qu'à un public restreint, mais délicat et lettré. Car cette élite plus éclairée, que toute nation possède en elle-même, est destinée à