toujours que, lorsqu'une pièce reste longtemps sur l'affiche, les acteurs cèdent à la tentation d'exagérer l'effet représentatif de leurs rôles; et ils y sont encouragés par les applaudissements du public, qui devient moins délicat, à mesure qu'augmente le nombre des représentations. Mais tous les rôles ne possédant pas un effet représentatif susceptible d'un égal grossissement, et les acteurs cédant inégalement à la tentation des applaudissements, il en résulte ce fait remarquable que la pièce, à mesure que s'accroît le nombre des représentations, perd sa physionomie première en même temps que l'équilibre primitif résultant de l'accord entre sa valeur intrinsèque et son effet représentatif. C'est, en un mot, l'œuvre représentée qui perd à cette transformation insensible; et si la direction du théâtre y gagne quelque profit actuel, c'est, il faut l'avouer, au détriment de la direction future et de l'art dramatique lui-même.
En général, les hommes se laissent aller beaucoup plus facilement que les femmes à grossir l'effet représentatif de leur rôle; cela tient sans doute à ce que les femmes possèdent à un plus haut degré la faculté d'imitation et d'assimilation, tandis que les hommes sont poussés par une puissance d'agir, difficile à contenir, à forcer leurs premiers effets et à en essayer de nouveaux. Je citerai comme un exemple remarquable le Monde où l'on s'ennuie, qui a tenu l'affiche pendant deux cent cinquante représentations. Les hommes se sont visiblement fatigués; les premiers acteurs ont été remplacés par d'autres, qui se sont