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spéciales, un groupe de sensations, d'images ou d'idées, s'impose à nous à l'exclusion de tous les autres qui restent alors inaperçus. On pourrait dire, en quelque sorte, que la sensibilité énergiquement surexcitée d'un de nos organes anesthésie momentanément nos autres organes.

Les exemples sont nombreux et bien connus. Une personne absorbée par une pensée regarde fixement sans les voir les autres personnes qui sont devant elle; ou bien, captivée par un spectacle, elle n'entendra pas qu'on lui parle. Un soldat, au milieu de la mêlée, n'a pas immédiatement conscience d'une blessure qu'il vient de recevoir; il ne s'en aperçoit que lorsque le sang qui coule attire son attention. Pascal domptait la douleur par le travail, et Archimède, occupé de la résolution d'un problème, ne percevait pas le bruit du combat qui se livrait dans les rues de Syracuse. La vue des images divines, qui hantaient l'esprit des martyrs, les absorbait souvent à tel point qu'ils ne sentaient ni le fer ni le feu qui torturaient leurs chairs. Mais, pour prendre un exemple moins tragique et d'observation plus aisée, tout le monde sait que, lorsque nous voulons concentrer notre esprit sur une idée, nous fermons instinctivement les yeux, ou bien que nous fixons nos regards sur quelque angle banal et obscur de la chambre; que l'enfant, pour apprendre ses leçons, se bouche les oreilles de ses deux mains, et que le collégien qui regarde les mouches voler ne profite pas beaucoup des démonstrations du professeur. C'est à l'infini